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  • Tamsir J. Ndiaye

Bouna Alboury Ndiaye : Le prince qui préféra le minebar au trône (Par Tamsir Ndiaye Jupiter-archive


« Dieu suscitera des hommes qu’Il aimera et qui L’aimeront », dit le Coran (V, 54). Et voilà que, en 1878, Il suscita, un Prince dont le parcours final du père fut si épique et infernal qu’il semblait même être prédestiné à l’apocalypse. Tout indiquait en ce Prince qui a peu vécu aux cotés de son père de Roi un futur produit d’une tragédie intenable qui mène directement à l’ombre. Mais le destin lui réservait un inépuisable silo de Grâces qui renseignent que Dieu Seul est Souverain !
Bouna est le nom de ce Prince. Mais les souverains de son temps l’avaient baptisé Yéli, Yéli Birayam. Son père est le Roi Alboury Ndiaye Biram Peinda, un grand et impressionnant combattant qui mena une résistance féroce contre la pénétration coloniale. Après une longue et âpre lutte contre l’impérialisme, il subit le guet apens des forces coloniales dirigées par le Colonel Dodds qu’il affronta avec la détermination des Généraux de guerre qui acceptent tout sauf la soumission. Le combat fut inégal et en déphasage avec les règles. Alboury refusa alors de plier et choisit le chemin de l’exil afin de ne jamais être suspendu à l’autorité ancillaire des envahisseurs coloniaux. Bouna, son fils, n’avait que 12 ans et fit immédiatement l’objet de toutes les convoitises en raison du charisme si précoce qui se dégageait en lui. les Maures le capturèrent. Mais il fut repris de force par le Colonel Dodds, celui-là même qui avait attaqué, à l’improviste, son père pour lui arracher son royaume, ke Djiolof. l’enfant Bouna Alboury fut ainsi inscrit à l’Ecole des Fils de Chefs de Saint-Louis où il s’illustra par une intelligence et un génie pluriel qui, naturellement, l’imposaient comme un futur meneur de peuple. Le 17 décembre 1895, alors qu’il n’avait que 17 ans, l’autorité coloniale l’ investit Souverain du Djolof. Immédiatement, le très jeune Prince entama son règne en ouvrant une nouvelle et longue page de l’histoire du Djiolof du Sénégal. Déjà, de son trône, sa personnalité charismatique et rassurante commençait à remplir le royaume du Djolof. Son aura de majesté était immense. Des notables souverains et des chefs de guerre de son temps, marqués eux-mêmes par sa forte allure, avaient reconnu en lui, avec l’instinct que leur donnait certainement leur sens inné de l’autorité, l’Elu du destin. Son contemporain Sidya Léon Diop, fils de la Linguère Ndatté Yalla de Fatim Yamar Khourayaye Anta Mbodji, l’héroïne de Nder, avait opté pour la bataille militaire contre l’armée coloniale encore présente dans la sous région. Mais Bouna choisit le combat social et endossa le manteau royal du bâtisseur et du protecteur. Un mythe naissait. Comme un messie, il couve et couvre le Djiolof. Il creuse t des canaux. Il perçe des routes. Il aide à vivre. Il appuie ceux-ci. il épaule ceux-là. Il soulage certains. il assiste d’autres. En somme, le Prince Bouna incarnait la force d’ubiquité. En période de soudure et de sécheresse, il creusa, à ses frais, cent puits. Le peuple du Djolof se retrouva alors dans l’oasis et lui déclama le chant épique que les génies de l’oralité ne servent qu’aux meneurs et aux sauveurs : « Bouna Ndiaye Madjiguène, Bouna ba djiolf marré nane, Bouna ya beun téen, wa Djiolof dissa nane, rewmi natt ! », psalmodiait-on. Bouna Alboury était, en vérité, au-dessus du Djolof comme une vision extraordinaire. Il était prodigieux. La bonté de son cœur avait tout surmonté. Les plus illustres princes sollicitaient son amitié. Les plus historiques familles cherchaient son alliance. Les plus vieux gentilshommes briguaient son service. Il était grand aussi bien par la dimension physique que par la dimension historique. On le voit encore, en 1922, à Paris, au milieu de fortes autorités politiques d’Europe, d’Afrique et d’ailleurs et de personnalités sacrées ou couronnées, assis entre le czar et le césar, sur un fauteuil plus élevé que le leur. De son manteau royal, il portait ainsi, au loin, au-delà de l’Atlantique, l’image, la grandeur, la parole et la force du Sénégal qu’il défendait avec une détermination qui impose le respect Le Trône remplacé par le Minebar Bouna Ndiaye Madjiguène Bassine n’était pas seulement Prince. Il était aussi un homme de Foi qui, se référant au verset 284 du chapitre II du Coran, considérait que « Ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre appartient à Dieu ». quoiqu’étant Prince du Djiolof, il ne cessait de dire à ses sujets que Dieu Seul possède, Lui Seul légifère et Lui Seul commande. C’est pourquoi, il a délibérément choisi de s’éloigner du Trône pour s’installer au sommet du Minebar. Seydi Hadji Malick Sy le Géant de Tivaouane en avait déjà fait Moukhaddam en lui donnant les insignes symboliques de la Tidianya. Mais Bouna Alboury , l’ami de Mgr Hyacinthe-Joseph Jalabertà l’époque Vicaire apostolique de Sénégambie et du Cardinal Jean Verdier, Archevêque de Paris, qu’il avait reçu lui-même à Yang-Yang, était d’une ouverture pleine d’humanisme. Et quoiqu’étant ambassadeur et porteur de message de la Tidianya, il était aussi si proche de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du Mouridisme qu’il donna le nom de sa fille aînée à Sokhna Diarra Bousso, la mère du Fondateur du Mouridisme. Il était Moukhaddame Tidiane, mais ses liens avec Khadimoul Rassoul étaient si forts qu’ il donna en mariage sa fIlle Seynabou Ndiaye Bouba au fils ainé de celui-ci, Mouhammadou Moustapha Mbacké. Bouna Alboury partait du principe que l’Islam est indivisiblement une religion et une communauté, une foi et un code de vie. Dans son enseignement rapporté par certains de ses enfants comme Mansour Ndiaye Bouna qui, par scénario divin ou par force mystique du destin , mourrut comme lui un 28 juillet, l’Islam est une religion d’ouverture et de paix. C’est pourquoi, en sa qualité de Prince aynt choisi le Minebar, il s’est contraint de conduire, sous la dictée d’Allah, son peuple et ceux qui relèvent de son obédience à s’accommoder non des richesses , des plaisirs et des honneurs, mais uniquement de la foi primordiale, celle d’Abraham . Il était, en fait, un praticien infatigable du tawhid et du tassawouf. Il a mené, jusqu’à son dernier souffle, une vie essentiellement consacrée à la prière et reposant sur la pratique stricte de la piété, du pardon, du renoncement aux vanités du monde, dussent-elles être légitimement royales. Finalement, Dieu mourrait en lui pour renaître en lui. Il était, en conséquence, devenu un mythe et un mystique. Sa vie était une spiritualité caractérisée par une lutte intérieure contre tout désir détournant l’homme de son centre. Elle était aussi une action désintéressée pour l’unité et l’harmonie de la communauté musulmane contre toutes les formes d’idolatrie de pouvoir et de richesse qui écarteraient de Dieu. La dimension spirituelle de Bouna Alboury était, en réalité, incommensurable. D’ailleurs, il n’y avait pas en son temps, une tête si haute ou si fière qu’elle fût, qui ne le saluait avec dévotion comme si sur son front, la main de Dieu, presque visible, avait posé deux couronnes : l’une qui est faite d’or et qu’on appelle génie royal, et l’autre qui est faite de Lumière et qu’on appelle génie religieux. Un des enfants Mansour Bouna s’était mis sur ses pas et s’attachait, comme ses frères et sœurs,à son héritage en demeurant inextricable à son enseignement. A l’image de son père Bouna Alboury dont l’identité se confond avec celle du batisseur, Mansour Bouna s’était engagé à la tête de la Mairie de Louga qu’il dirigea longtemps, à poser les mêmes gestes : percer des routes, apporter de la lumière, assister, épauler, aider, etc. Bouna Alboury croyait en la liberté. Son fils Mansour Bouna « croyait en la démocratie ». Bouna Alboury est mort le 28 juillet 1952. Mansour Bouna a tiré sa révérence le 28 jullet 2008. Tous les deux étaient humanistes et c’est cet humanisme qui est célébré dans l’hommage que leur rendent leur famille et les fils du Djiolof.

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